[…]
Matthew Crawford est […] mĂ©cano-philosophe-Ă©crivain […]. Auteur Ă succĂšs de «lâEloge du Carburateur» (LaDĂ©couverte) et ancien « intello » travaillant dans un think-tank Ă Washington, il a tout plaquĂ© pour ouvrir un garage de rĂ©paration de motos. Et a dĂ©veloppĂ© toute une philosophie basĂ©e sur le plaisir du « faire » et de lâaction. […]
Je pense que beaucoup de personnes se sentent trĂšs frustrĂ©es dans leur travail. Pour une bonne raison : elles ne voient plus lâeffet direct de leurs actions sur le monde. Si vous travaillez dans un bureau, la chaĂźne de causes et effets peut devenir opaque ou confuse. Les grandes entreprises dĂ©veloppent un genre de culture du management qui peut dĂ©connecter complĂštement certaines personnes de la « bottom line » [les actions concrĂštes sur le terrain, ndlr]. Or je pense que faire lâexpĂ©rience du rĂ©el est une composante fondamentale de lâĂȘtre humain.
Quand jâai dĂ©missionnĂ© de mon emploi Ă Washington pour devenir Ă©lectricien, jâai fait un changement radical. Paradoxalement, câest en Ă©tant Ă©lectricien que jâai le plus utilisĂ© mon cerveau : câĂ©tait un challenge « intellectuel » de devoir imaginer les circuit que jâallais devoir installer pour me conformer aux contours dâun bĂątiment. Alors que dans mon emploi prĂ©cĂ©dent, oĂč jâĂ©crivais des notes stratĂ©giques Ă la pelle [Matthew travaillait dans un think-tank, ndrl], et oĂč il y avait un quota de notes Ă produire par jour (28), nous Ă©tions de vrais ouvriers. Ce que nous produisions nâavait aucune valeur. Ce travail Ă©tait conçu de façon Ă garantir le nivellement par le bas.
[…]
Je pense que ça explique en grosse partie la vague du « do-it-yourself ». Les gens rentrent chaque soir chez eux du travail, aprĂšs une journĂ©e passĂ©e Ă fixer un Ă©cran. Et en rĂ©action, ils construisent des meubles, tricotent des vĂȘtements, etc. Je pense que câest un moyen de reprendre possession du monde Ă une autre Ă©chelle, de trouver un lien Ă travers une intelligibilitĂ© humaine directe.
[…]
Nous expĂ©rimentons tous la fragmentation de nos vies mentales, les distractions Ă la pelle qui nous empĂȘchent de nous concentrer. Or je pense quâun remĂšde Ă cela peut ĂȘtre trouvĂ© dans les pratiques manuelles qualifiĂ©es, grĂące auxquelles on entre en relation directe avec le monde. Lâattention, câest la capacitĂ© Ă sĂ©lectionner ceci ou cela en fonction de votre tĂąche. Donc, câest essentiellement une capacitĂ© Ă voir la pertinence. Etre dans le faire, dans le manuel, offre un cadre pour dĂ©velopper cette capacitĂ©, alors que lorsque notre rapport au monde se rĂ©sume Ă travers un Ă©cran dâordinateur, quand tout est Ă la portĂ©e de ma curiositĂ© fainĂ©ante, on tombe dans une immensitĂ© dâoptions et de choix qui mâempĂȘche de composer une vie cohĂ©rente.
Nous sommes des crĂ©atures incarnĂ©es. Nous sommes ancrĂ©s dans une vie oĂč tout est Ă lâĂ©chelle humaine, tout est basĂ© sur le fait dâĂȘtre prĂ©sent. Pourtant, nous sommes toujours ailleurs, et câest cet ailleurs – toujours plus attirant, plus amusant, plus distrayant â qui nous distrait. Les sciences cognitives montrent aujourdâhui lâinfluence du corps sur lâesprit, chose qui va Ă lâencontre de 400 ans dâune philosophie occidentale oĂč la sĂ©paration corps-esprit est trĂšs nette. On apprend maintenant quâils sont intimement connectĂ©s, et que nous ne sommes pas uniquement des cerveaux dans des bocaux.
[…]
Hier, jâĂ©tais assis dans un parc et il y avait un jeune homme qui faisait des roues avant avec son vĂ©lo. Un vĂ©libâ je crois, donc un vĂ©lo trĂšs lourd, mais il Ă©tait en maĂźtrise totale. Je me disais en le voyant que câest une vraie disposition dâĂȘtre alerte aux exemples dâexcellence humaine, de trouver lâexcellence humaine dans des endroits inattendus. Ca me paraĂźt important dâĂȘtre ouvert à ça, de voir la beautĂ© dans des endroits inattendus. Vous savez : « to find the high in the low »âŠ
[…]
LIRE CETTE ENTREVUE ENÂ INTĂGRALITĂ Â SUR SOONSOONSOON
2 commentaires