Le yéti, ou « abominable homme des neiges », est une créature anthropomorphe du folklore du Népal, de l’Inde, du Bhoutan et du Tibet. Du fait de l’absence de preuve matérielle de son existence, la communauté scientifique le considère comme un être légendaire, un cryptide peut-être né de l’observation de fossiles de gigantopithèque par des populations himalayennes dépourvues de connaissances scientifiques. Des créatures équivalentes, grands primates ou « hommes sauvages », existent dans plusieurs régions du monde comme le bigfoot en Amérique du Nord ou l’almasty dans le Caucase.
Marc Dacier L Empire Du Soleil Jean Michel Charlier Eddy Paape Spirou n°1334 du 7 novembre1963
Le mot « yéti » vient du tibétain, un mot composé de « rocheux » et « ours». D’autres termes utilisés par les peuples de l’Himalaya n’ont pas exactement la même traduction mais font également référence à des espèces animales réelles ou légendaires de la région :
- meh-teh signifie « homme-ours4 »
- dzu-teh signifiant « ours-bovin
- migoi ou mi-gou signifie « homme sauvage »
- mirka, un autre mot pour « homme sauvage »
- kang admi, « homme des neiges »
- jobran, « mangeur d’homme ».
Tintin au Tibet, Hergé, Casterman, 1960
L’expression « abominable homme des neiges » est apparue en 1921, année au cours de laquelle le lieutenant-colonel Charles Howard-Bury conduisit une expédition conjointe entre le Club alpin et la Royal Geographical Society pour l’exploration de l’Everest qu’il relata dans Mount Everest The Reconnaissance, 1921.
Dans ce livre, il rend compte de la traversée du Lhakpa-la à 6 400 m, où il observa des empreintes de pas qu’il considéra comme « probablement causées par un grand loup gris qui formait, dans la neige molle, une double trace semblable à celle d’un homme aux pieds nus ». Il ajoute que ses guides Sherpa « révélèrent spontanément que les traces devaient être celles de « l’homme sauvage des neiges », auquel ils donnaient le nom de metoh-kangmi ». L’expression « abominable homme des neiges » apparaît lorsque Henry Newman, un contributeur régulier du journal The Statesman de Calcutta,interroge les porteurs de l’Everest Reconnaissance expedition à leur retour à Darjeeling. Newman traduit par erreur par « abominable ».
Prince Lao, Pirates des cimes, Philippe Gauckler, Le Lombard, 2008
Les « hommes sauvages » sont mentionnés dans des textes asiatiques anciens tels que le poème « Rama et Sita », datant du ive siècle av. J.-C., ou le 26e chant de Milarépa (1038 à 1122 apr. J.-C.).
Les premières mentions d’empreintes évoquant des pieds humains par des Européens datent de 1905. En 1925, l’explorateur N. A. Tombazi, de la Royal Geographical Society anglaise, ainsi que John Hunt, rapportent avoir observé des empreintes du yéti sur le site du glacier de Zemu au Sikkim. En 1936, le géologue suisse Augusto Gansser effectue un voyage d’exploration pendant 8 mois au Garhwal, entre le Nanga Parbat et l’Everest, au cœur de l’Himalaya. Il a alors la révélation de cet être, mythique ou réel : le yéti.
Mon ami Grompf, Yéti de compagnie, Nob, Glénat, 2006
En avril 1942, Slavomir Rawicz (ou peut-être Witold Gliński), qui fait route vers les Indes septentrionales après s’être évadé du Goulag soviétique dix-huit mois plus tôt, croise quelque part à la frontière du Tibet et du Sikkim deux créatures dont la silhouette rappelle « l’ours ou un de ces grands singes du type de l’orang-outang ».
Mon ami Grompf, Yéti de compagnie, Nob, Glénat, 2006
Ce sont les photos d’empreintes prises en 1951 par l’alpiniste Eric Shipton qui l’ont révélé au public occidental. Des traces ont aussi été photographiées en mai 1955, lors de la première expédition française du Makalu. L’abbé P. Bordet, le géologue de l’expédition, a pu suivre les traces sur plus d’un kilomètre et ainsi affirmer qu’elles avaient été produites par un animal bipède. Plusieurs de ces photographies ont été publiées dans l’édition de Paris Match no 337 du 10 septembre 1955 et peu après, elles ont été dessinées conformément à ces photos par l’auteur Hergé dans son album de bande dessinée « Tintin au Tibet » paru en 1960.
Tintin au Tibet, Hergé, Casterman, 1960
En mars 1976, à 5 300 mètres d’altitude, dans le Rolwaling (Népal), René de Milleville photographie une trace de pas dans la neige très distincte. Il aura l’occasion de rapporter de nombreux récits de paysans népalais témoignant avoir vu le yéti. Par ailleurs, René de Milleville a mis à disposition du Muséum national d’histoire naturelle des poils attribués au yéti. Michel Tranier qui a pu étudier ces poils, considère qu’ils appartiennent à « un primate roux tel que l’orang-outan » ; cela peut aussi valoir pour le scalp du monastère de Khumjung, tandis que d’autres scalps ont révélé, par leur ADN, avoir appartenu à des caprins .
Le célèbre alpiniste Reinhold Messner entreprend une expédition sur les traces de l’animal à la fin des années 1980. Il aurait lui-même aperçu le Yéti une nuit de juillet 1986 alors qu’il recherchait un village pour s’abriter dans une vallée perdue de l’Himalaya. À la fin de son expédition, Messner conclut que la légende de « l’abominable homme des neiges » provient d’un véritable animal apparenté à l’Ours bleu du Tibet qui terrifierait les populations locales depuis des générations. Cet ours inconnu, appelé chemo par les sherpas, aurait la capacité de marcher sur ses pattes arrière et serait devenu dans le folklore local un Homme sauvage.
Pour la plupart des scientifiques, anthropologues ou sociologues, le yéti est une créature légendaire relevant de la mythologie des groupes himalayens. Les arguments contre l’existence réelle du yéti, comme de la plupart des autres cryptides, sont nombreux :
- absence de fossile ou de cadavre d’individu susceptible d’être étudié scientifiquement ;
- impossibilité pour une population de se maintenir au cours du temps avec un effectif de moins de 200 à 500 individus (et donc de passer quasiment inaperçue, y compris pour des expéditions parties à sa recherche) ;
Durant Les Travaux L’Exposition Continue, Crises De Foi, Midam, Clarke, Dupuis
Les hypothèses concernant l’origine et la nature du yéti sont nombreuses. L’une d’elles le fait descendre d’un grand singe connu en Chine du Sud au Pléistocène, le gigantopithèque. D’autres le rapprochent de primates fossiles de l’Inde ou de l’orang-outan, et certaines de l’homme de Néandertal. Selon Bernard Heuvelmans, docteur en zoologie de l’Université libre de Bruxelles, les traditions qui tournent autour de l’Homme des neiges pourraient renvoyer à trois types de primates dont les aires de répartition se recoupent quelquefois.
L’homme des neiges, Castelli, Manara, Dargaud, 1976
Certains cryptozoologues comme Richard D. Nolane pensent que le gigantopithèque serait vraisemblablement l’ancêtre probable du yéti et du Bigfoot, l’équivalent nord-américain du yéti : le gigantopithèque aurait traversé le détroit de Béring pour atteindre le continent américain. Selon Nolane il existerait en Asie trois espèces de yétis : l’une de ces espèces correspondrait aux « hommes sauvages » (notamment en Chine). Selon Bernard Heuvelmans et Boris Porchnev, il s’agirait de néandertaliens ayant survécu ou, selon d’autres auteurs, il s’agirait de représentants de l’espèce Homo erectus ayant évolué parallèlement à notre espèce.
L’homme des neiges, Castelli, Manara, Dargaud, 1976
Les « scalps » de yéti conservés dans le monastère de Pangbotchi sont en réalité fabriqués par les sherpas à partir de la peau et des poils du garrot d’une chèvre sauvage locale.
En juillet 2008, deux poils attribués au yéti découverts en Inde ont été soumis à des analyses microscopiques qui n’ont permis de les rattacher à aucune espèce connue de primate. Des analyses d’ADN furent mises en œuvre, tout en gardant à l’esprit que « le risque [était] grand de devoir attribuer ces poils à une chèvre ou un ours, comme ce fut le cas lors de précédentes analyses». Elles prouvèrent effectivement que les poils appartenaient à une espèce de chèvre apparentée au chamois nommée goral de l’Himalaya, une espèce rare mais déjà répertoriée.
Marc Dacier L Empire Du Soleil Jean Michel Charlier Eddy Paape Spirou n°1334 du 7 novembre1963
À nouveau en 2011, des poils supposés être de yéti auraient été découverts dans la région russe de Kemerovo (Sibérie) d’après les autorités locales, et feraient l’objet prochainement d’analyses ADN.
Le professeur Bryan Sykes de l’université d’Oxford développe une méthode d’analyse de l’ADN mitochondrial, qui permet d’analyser l’ADN d’échantillons de poils même très anciens. En collaboration avec Michel Sartori, directeur du musée cantonal de zoologie à Lausanne, ils lancent en 2012 une recherche mondiale pour récupérer des poils de yétis ou de bigfoots et analysent 36 échantillons. Après analyse, la plupart de ces échantillons proviennent d’animaux connus (chien, ours brun, raton laveur, chevaux, vaches… et même un humain). Deux d’entre eux, récoltés auprès de villageois du Ladakh et du Bhoutan par l’alpiniste et voyageur français Christophe Hagenmüller, créent toutefois la surprise : leur ADN correspond à celui d’un ours paléarctique du Pléistocène qui aurait vécu entre 120 000 et 40 000 ans av. J.-C.. Une des hypothèses de l’équipe de recherche est que ces deux « yétis » appartiendraient à une espèce hybride, résultat d’un accouplement entre une ourse paléarctique et un ours blanc. L’espèce aurait ensuite migré à travers l’Asie, jusqu’à l’Himalaya.
Prince Lao, Pirates des cimes, Philippe Gauckler, Le Lombard, 2008
En 2017, les analyses d’ADN de 24 échantillons échantillons (une dent, un os et des poils trouvés au Tibet entre 1930 et nos jours) sur neuf supposés provenir du yéti ont mis en évidence de l’ADN de trois espèces d’ours indigènes de la région (l’ours brun de l’Himalaya (Ursus arctos isabellinus), de l’ours noir de l’Himalaya (Ursus thibetanus laniger) et de l’ours brun tibétain ; le seul échantillon ne provenant pas d’un ours provient d’un chien. À cette occasion les génomes mitochondriaux complets de l’ours brun de l’Himalaya (Ursus arctos isabellinus) et de l’ours noir de l’Himalaya (U. thibetanus laniger) ont été publiés. En Amérique du Nord, les analyses ADN de poils supposés provenir du sasquatch (alias Bigfoot) ont aussi montré qu’ils provenaient d’ours, de chevaux, de chiens et d’autres créatures (notamment humaines).
Tintin au Tibet, Hergé, Casterman, 1960
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