[Dans] Le Fond Monétaire International, dans le World Economic Report du mois d’avril 2015 […] Les résultats […] sont particulièrement intéressants, parce qu’[ils] vont à rebours de bien des vaches sacrées du discours économique contemporain. Sans doute est-ce le moment de rappeler que c’est justement dans le cuir des vaches sacrées que l’on taille les meilleures chaussures pour avancer.
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Il […] peut être considéré comme établi, que l’Euro a eu des effets négatifs non seulement sur la politique macro-économique (comme démontré par Bibow) mais aussi sur la croissance potentielle. Ici meurt sous nos yeux la première des vaches sacrées.
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Mais, l’étude du Fond Monétaire International ne s’arrête pas là. Elle considère l’impact de toute une série de mesures structurelles qui peuvent être décidées à court terme par les gouvernements sur la productivité totale des facteurs et donc sur la croissance potentielle. Le rapport examine leurs effets sur les divers secteurs de l’économie ainsi que sur la croissance potentielle totale.
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Or, que constate-t-on ?
Tout d’abord qu’à moyen terme, les deux mesures qui sont susceptibles d’avoir le plus d’effet à moyen-terme (soit à un horizon de 5 ans) sont les investissements en recherche et développement et les investissements en techniques de communication et d’information. Ils signalent qu’i peut y avoir un effet cumulatif avec les investissements en infrastructures (ce qui se conçoit aisément). Les changements dans la réglementation du marché du travail (et ces changements sont naturellement des mesures de flexibilisation de la main-d’œuvre) ne donnent aucun effet. Plus intéressante encore ; si l’on considère maintenant un horizon de court-terme, soit dans l’étude de moins de trois ans, on constate que les mesures portant sur la flexibilisation et le changement des règles du marché du travail aboutissent à faire baisser la croissance potentielle.
Il faut alors rappeler que l’on défend depuis plus de 15 ans de telles mesures comme devant nécessairement augmenter la productivité et la croissance potentielle. Rappelons qu’en France, telle est l’argumentaire du gouvernement pour faire avaliser par le parlement la trop fameuse « Loi Macron ». Rappelons aussi que c’est l’absence de telles mesures dans le programme de réformes soumis par le gouvernement grec à l’Eurogroupe qui est dénoncé par ce dernier, mais aussi (hélas) par le Premier-ministre français M. Manuel Valls et par le commissaire européen idoine (Pierre Moscovici). Or, si nous suivons le rapport du FMI, nous devons reconnaître que le gouvernement grec a eu raison de ne pas céder sur ce point.
Cela signifie que le discours sur les « réformes structurelles » dans le domaine du marché du travail n’est qu’un discours idéologique et même un modèle, comme celui du FMI, qui reste très imprégné d’économie néo-classique, se révèle incapable de montrer un quelconque effet positif de telles mesures. Ici meurt, sous nos yeux, la deuxième des vaches sacrées du discours économiques tel qu’il est tenu depuis au moins vingt ans. On ne saurait trop remercier les experts du FMI pour l’œuvre de salubrité publique qu’ils ont fait.
Mais on peut craindre qu’au lieu d’aller cacher leur honte (qui devrait être grande) et leur incompétence (qui ne l’est pas moins) les Valls, Macron et Moscovici ne continuent à pérorer et à nous affirmer, avec tout l’aplomb de bonimenteurs de foire (et avec toutes mes excuses pour cette profession) des énormités économiques.
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